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Rencontres européennes de la participation : entre innovations prometteuses et défis persistants

Cette année, les acteurs et actrices de la participation se sont retrouvé·es à Strasbourg, capitale européenne et laboratoire de la démocratie, pour la 9ème édition des Rencontres de la participation.

Nous en retenons que, dans un contexte de fortes tensions démocratiques, il est absolument nécessaire de décentrer nos regards, d’assumer les conflits et de questionner nos façons de faire.

Comment faire évoluer nos pratiques pour construire une participation réellement inclusive et transformatrice ? Voici quelques pistes issues des ateliers auxquels nous avons assisté lors des Rencontres de la participation 2025.

Photo des trois membres de l'équipe d'iD City présents aux Rencontres de la participation

Aller vers une participation inclusive et effective

La volonté d’une participation inclusive est unanime, au sein des Rencontres de la participation comme ailleurs. Mais force est de constater que ce sont encore et toujours les mêmes voix qui participent et qui s’expriment. Alors, comment donner une (réelle) place à celles et ceux qu’on n’entend moins, voire pas ?

 

Diversifier les portes d’entrée dans la participation

Tous les dispositifs participatifs sont confrontés à une difficulté majeure : mobiliser des publics aux profils divers. En particulier les plus jeunes, les personnes moins diplômées ou moins politisées. Les raisons sont multiples, et souvent entremêlées : freins matériels, défiance envers les institutions, sentiment d’illégitimité… S’il n’existe pas de solution miracle, nous avons néanmoins recueilli quelques exemples inspirants lors des Rencontres de la participation !

L’exemple de la FIDE en Allemagne montre que l’aller-vers, parfois par un simple porte-à-porte, peut porter ses fruits. 75% des participant·es  à une démarche avaient commencé par refuser l’invitation issue d’un tirage au sort. 

À Cherbourg ou à Tours, c’est en réinventant les lieux de participation (crèches, piscines, structures mobiles dans l’espace public) que l’on parvient à toucher de nouveaux publics. Et parfois, il suffit d’un outil inattendu pour engager la discussion. Comme une cocotte en papier créée pour échanger sur la qualité de l’air avec les habitant·es !  

Ces expériences montrent qu’il est possible de favoriser l’implication des publics. Avec des moyens adaptés (humains comme financiers), du temps et des formats originaux et variés. Le recrutement des participant·es n’est cependant que la première étape. Assurer une participation effective, inclusive et durable reste un défi de fond, qui s’accompagne dans la durée.

 

Garantir l’expression de tous et toutes dans les dispositifs

La rencontre entre participant·es aux profils variés – personnes tirées au sort, membres d’associations, expert·es, personnes habituées des dispositifs – peut générer des tensions et renforcer des inégalités. En effet, les dispositifs participatifs, bien qu’ils soient conçus pour encourager la participation de tous et toutes, peuvent devenir des espaces où se reproduisent des formes de domination. C’est le cas lorsque certain·es participant·es monopolisent la parole ou imposent leurs cadres.

Comment éviter que les dynamiques de domination ne se rejouent dans les démarches participatives elles-mêmes ? Comment garantir que la diversité des profils se traduise par une véritable diversité des expressions ? Plusieurs pistes peuvent être envisagées pour favoriser une cohabitation harmonieuse et garantir une expression véritablement démocratique de tous et toutes.

Par exemple, l’inversion des rôles, où les personnes déjà engagées prennent le temps d’écouter celles et ceux qui viennent d’horizons différents, peut permettre de rééquilibrer les échanges. Des techniques d’animation adaptées (temps de parole égaux ou bâtons de parole) aident également à donner une voix à chacun·e. Enfin, la formation des animateurs et animatrices à la gestion des conflits permet de maintenir un climat respectueux et inclusif.

À Strasbourg, une charte d’engagement a été conçue avec un cadre pensé avec les participant·es. Elle inclut des règles sur les attaques personnelles et les engagements fondamentaux à respecter dans le cadre de la démarche. Ce type d’outil garantit non seulement la qualité des échanges, mais aussi l’adhésion collective à des principes de respect et d’égalité. Essentiels pour la réussite d’une démarche participative véritablement inclusive.

 

Faire de l’égalité de genre un levier de participation

Les démarches participatives peuvent aussi reproduire des inégalités de genre : déséquilibres dans le temps de parole, interventions sexistes, sous-représentation des préoccupations féminines dans les discussions et dans les projets…

Pour prévenir les discriminations de genre, l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne a créé en 2024 un Guide de la participation en faveur de l’égalité de genre. Il propose des pistes de réflexion concrètes. Parmi lesquelles : veiller à l’attitude des animateurs et animatrices, attirer l’attention de tous et toutes sur le fait que les hommes prennent généralement la parole plus longtemps et plus souvent que les femmes, favoriser l’écrit, etc.

Des exemples concrets montrent que la participation peut (doit ?) permettre de lutter contre les inégalités de genre : 

  • La Ville de Nantes, qui a lancé en 2024 une concertation sur la lutte contre le sexisme dans les espaces publics. Au cours de laquelle des ateliers en non-mixité choisie ont été organisés.
  • La Ville de Lyon, dont le budget sensible au genre* a permis de réaliser que les projets d’un budget participatif pouvaient reproduire les inégalités de genre. Par exemple, un projet de street-art dont l’œuvre peut représenter uniquement des hommes et être réalisé par des hommes.

Intégrer la question du genre dans les démarches participatives ne constitue pas une contrainte supplémentaire. Il s’agit d’une opportunité de garantir une participation véritablement équitable. Cela implique de repenser nos outils, nos formats et nos postures pour favoriser une participation et une représentation juste et inclusive de tous et toutes.

* Le budget sensible au genre est une méthode qui permet d’étudier les conséquences directes et indirectes des dépenses et recettes publiques sur les situations respectives des femmes et des hommes. Il s’agit d’étudier les budgets des politiques publiques et leur répartition pour déterminer s’ils accroissent ou réduisent les inégalités de genre.

 

Conflits et émotions : mieux les reconnaître pour mieux les accueillir

Et si ce que l’on redoute dans les démarches participatives – tensions, désaccords, émotions – en était en fait la matière première ? Dans un monde où les manipulations émotionnelles se multiplient, la participation a un rôle crucial à jouer. Celui de créer des espaces où ces émotions peuvent s’exprimer de manière authentique. Où les désaccords deviennent des leviers pour renforcer le débat démocratique et lutter contre la désinformation.

 

Faire de la place aux désaccords

Lors des Rencontres de la participation, nous avons été nombreux·ses à ressentir cette urgence : les démarches participatives ne peuvent plus se contenter d’être des espaces consensuels et policés. Refuser le conflit, c’est souvent refuser ce qui fait la richesse du débat démocratique. Accueillir les désaccords, c’est redonner du sens à la parole citoyenne. Dans un contexte de défiance généralisée, vouloir éviter le conflit à tout prix est contre-productif. Plusieurs ateliers l’ont rappelé avec force. La participation ne doit pas chercher le consensus “mou”. Elle doit, au contraire, créer les conditions d’une confrontation saine, dans un cadre sécurisé et respectueux.

À travers des exemples comme ceux de Grenoble, Poitiers ou Strasbourg, de nouvelles formes de démocratie d’interpellation émergent. Ici, la contestation est légitimée, structurée, outillée  : droit à la médiation, ateliers d’interpellation, référendums d’initiative locale…

Ces dispositifs montrent qu’il est possible d’ancrer le désaccord dans un processus constructif. Ils ouvrent la voie à une participation qui ne se limite pas à « faire avec », mais qui reconnaît les contre-pouvoirs citoyens comme une richesse à intégrer pleinement dans la décision publique.

 

Accueillir les émotions plutôt que de lutter contre elles

Parler démocratie, c’est aussi parler de ce qui se joue dans les corps, les regards, les ressentis. Longtemps disqualifiées par un idéal de participation rationnelle, les émotions ont été considérées comme un risque pour la qualité du débat. Elles sont pourtant au cœur du lien démocratique et constituent de puissants leviers de compréhension et de transformation.

Ignorer les émotions, c’est pourtant entretenir une forme de domination qui oppose raison et émotion. Comme si seule la première était légitime dans l’espace public. C’est faire taire ceux qui ne maîtrisent pas les codes du débat argumenté. C’est refuser une part essentielle de ce qui fonde l’engagement politique.

Il ne s’agit pas de transformer la participation en théâtre émotionnel, mais de reconnaître leur rôle et de leur offrir un cadre d’expression. Cela suppose un espace sécurisé, une reconnaissance des ressentis – y compris chez les professionnel·les – et des outils adaptés. Tels que la communication non violente, marches sensibles, photo-langage, captation des verbatims…

L’expérience du jury citoyen “Strasbourg capitale de Noël” en est la preuve. Un cadre clair peut permettre un débat critique mais serein, où les émotions trouvent leur place de manière constructive.

Mieux prendre en compte les affects, c’est créer des espaces où l’on se sent écouté·e, légitime, et capable de construire du commun.

 

Lutter contre la manipulation des émotions grâce à la participation

L’écoute et la prise en compte des émotions est d’autant plus importante dans l’ère actuelle de la désinformation. De plus en plus, les citoyen·nes sont victimes d’opérations organisées cherchant à manipuler l’opinion et les émotions. Dans un contexte où la confiance envers les institutions s’érode, les campagnes de désinformation trouvent un terreau fertile pour prospérer et compromettre la qualité du débat démocratique.

Un des exemples les plus documentés, et présenté par Alliance4Europe lors des Rencontres de la participation, est l’opération Doppelgänger. Il s’agit d’une campagne de désinformation menée par des acteurs russes au sujet de la guerre en Ukraine. Des doubles numériques de sites de presse ont été créés pour diffuser des faux articles. L’objectif était d’influencer les électeurs et électrices à l’approche des élections européennes 2024.

Face à cette réalité, les dispositifs délibératifs doivent s’armer en intégrant une dimension critique et réflexive sur l’information. L’enjeu n’est pas d’immuniser les citoyen·nes contre toute émotion, mais de leur permettre de distinguer les réactions émotionnelles légitimes des manipulations orchestrées. Les dispositifs participatifs ont ici un rôle crucial à jouer : en créant des espaces où l’information peut être collectivement questionnée et où les doutes peuvent s’exprimer sans jugement. Dans ces conditions, la participation devient un rempart contre la désinformation.

 

Cette 9ème édition des Rencontres de la participation nous confirment une chose : il n’y a pas de recette miracle. Mais une conviction renforcée : pour répondre à la crise démocratique, il faut accepter la complexité, assumer les tensions, et surtout, faire confiance à l’intelligence collective des citoyen·nes, quel que soit leur profil et leur histoire. La démocratie participative ne se décrète pas. Elle se construit, pas à pas, dans l’expérimentation, l’écoute et l’engagement sincère.

rencontres européennes de la participation : le compte rendu iD City

Rencontres européennes de la participation : le compte rendu iD City

iD City a participé aux 7èmes rencontres européennes de la participation à Rouen. Cette année, la thématique centrale était : “La participation au cœur des défis des territoires”.

Dans une époque de défis multiples, ce rendez-vous représente un moment clé pour questionner le rôle que peut (et doit) jouer la participation citoyenne dans la transformation et l’adaptation de nos territoires.

Voici un compte-rendu de ce que nous avons retenu de ces rencontres et de chacun des ateliers auxquels nous avons eu l’occasion de participer, organisé selon les quatre thèmes abordés lors de cette édition. 

🟩Participation institutionnalisée ou mobilisation citoyenne : qui fait bouger les lignes ?

« Nous assistons, depuis maintenant une dizaine d’années, à une institutionnalisation et une professionnalisation de la démocratie participative : services de participation, pérennisation des dispositifs, chartes de la participation, marché des civic-tech… Pourtant, les citoyen·ne·s trouvent aussi, et de plus en plus, des terrains d’expression “hors les murs”. »

        Extrait du programme de Décider Ensemble

 

  • Repenser la participation : du pouvoir institutionnalisé à la participation citoyenne 

Il apparaît que la société occidentale n’est pas calibrée pour répondre aux problèmes qui se posent aujourd’hui, ce qui a pour conséquence une logique schizophrénique de la participation : demander l’avis des citoyen·ne·s sans leur donner le pouvoir d’agir. Ce double phénomène a pour conséquence d’accroître la défiance envers les institutions, là où la participation est censée y répondre. 

Tout d’abord, il s’agit de ne plus séparer la gestion des communs, le bénévolat et la participation citoyenne car les trois englobent toutes les échelles de la participation. L’engagement associatif et syndical peut être perçu comme un véritable rempart face à la violence face à la frustration, sans compter que la représentation syndicale est ce qui reste du bien collectif.

Lorsque l’on entend participation citoyenne, on entend collectif. L’idée n’est pas que chacun·e se considère comme porteu·r·se de l’intérêt général, mais bien que l’on y participe dans une logique collective encadrée, et ce, quelle que soit sa forme. Personne ne détient toutes les pièces du puzzle, mais tout le monde en détient au moins une. Il s’agit d’un fait politique total.

  • Les conventions citoyennes : vecteur de mobilisation au long cours ?

Les membres des conventions citoyennes (sur le climat et sur la fin de vie) présents ont pu partager leurs expériences sur cette expérience singulière. L’occasion également de capitaliser sur leurs retours pour améliorer les dispositifs futurs. 

Il est indispensable de clarifier en amont l’objectif final de la convention et de faire preuve de transparence quant au suivi des propositions qui en émanent. Il semble également important d’adapter le degré d’investissement attendu au degré de prise en compte des travaux remis. Des dispositifs doivent également favoriser la participation de toutes celles et ceux qui le souhaitent (garde d’enfants, reconnaissance professionnelle de la participation…). La question de l’obligation des personnes tirées au sort à participer à une Convention reste en suspens, même si les membres interrogés considèrent que cela nécessite trop d’engagement pour être obligatoire, d’autant plus quand cela concerne des sujets aussi complexes que la fin de vie. 

Certain·e·s membres ont poursuivi leur engagement citoyen par delà la convention, en devenant élu·e·s, porteur·se·s de projet auprès des collectivités territoriales ou membres d’associations. C’est la raison pour laquelle il convient de ne pas décourager les membres de la convention pendant qu’elle a lieu. Des associations ont d’ailleurs vu le jour dans la continuité des conventions mises en place, pour assurer le suivi des propositions ou bien promouvoir cette forme de participation. 

🟩Gestion des risques et participation citoyenne : un leurre ?

«Nos sociétés font quotidiennement face à des risques de nature et d’envergure différentes : risques climatiques, industriels, sanitaires… Anticiper et s’adapter représentent un défi majeur pour nos territoires.»

        Extrait du programme de Décider Ensemble

  • Peut-on gérer le risque en toute transparence ?

Selon l’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, “tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne”. Si maintenir la transparence comme socle démocratique est à la fois une nécessité et un risque, voici un paradoxe : une perte de confiance envers l’Etat s’observe de façon conséquente depuis plusieurs années, mais les citoyen·ne·s considèrent néanmoins que c’est à l’Etat de gérer les crises. La transparence dans la gestion des risques semble un idéal à atteindre mais se heurte à des problématiques de gestion de données à caractère confidentiel. Malgré cela, les citoyen·ne·s peuvent être des allié·e·s dans la création et l’analyse des données. La pédagogie et la formation semblent les meilleures méthodes pour former les populations aux risques.

🟩La démocratie participative : source de plus d’égalité ou miroir grossissant des inégalités ?

« L’inclusion incarne une des principales promesses de la démocratie participative : donner la possibilité à toutes et tous de s’exprimer et de s’impliquer, à niveau égal, dans la construction d’un futur commun. Pourtant, dans les faits, les démarches participatives mobilisent souvent les mêmes personnes et reproduisent des écarts déjà existants. La participation citoyenne peut-elle recréer des liens entre différents groupes ? »

       Extrait du programme de Décider Ensemble

  • Tentatives institutionnelles : participation et inclusion

L’exemple de Grenoble-Alpes métropole :

Lors de son deuxième mandat, Eric Piolle, Maire de Grenoble, a souhaité passer un cap dans l’inclusion des publics éloignés de l’action publique. Dans une logique universaliste, le but des démarches participatives mises en place est d’améliorer la représentativité (des jeunes à partir de 16 ans, des résidents étrangers, sur la base de l’équité territoriale…). 

Pour ce faire, le système aléatoire est un bon moyen d’augmenter la représentativité, par exemple, un tirage au sort avec des quotas : personnes précaires, collèges, enfants, etc. Attention cependant à ce que le tirage au sort ne se fasse sur la base des listes électorales, excluant ainsi les jeunes et les résidents étrangers. Une liste de critères objectivés est essentielle au préalable pour aller chercher les personnes directement concernées par le sujet. 

Par ailleurs, afin de réduire les difficultés pour les personnes venant d’arriver en France, Grenoble-Alpes métropole a mis en place une agora dans le cadre du projet européen Unite!. Un groupe de 16 réfugié·e·s provenant de différents pays se retrouve alors, une fois par an afin de discuter des difficultés des personnes arrivant en France : éducation, connaissance du territoire, emploi… Le groupe est encadré par des professionnels qui écoutent et retranscrivent leurs demandes.

L’exemple de Rouen métropole :

De son côté, Rouen Métropole a souhaité améliorer l’accueil des personnes exilées dans le cadre d’un contrat territorial d’accueil et d’intégration (CTAI), en partant de leurs besoins et de leurs réalités. Les objectifs étaient les suivants : identifier les besoins en contact direct avec les personnes, toucher les personnes sorties du circuit et enfin, les motiver. Pour ce faire, un questionnaire non exhaustif et représentatif traduit en 5 langues a été soumis. A eu lieu par la suite la diffusion des résultats auprès des associations notamment lors de la journée mondiale des exilé·e·s. Le bilan est positif car la participation au questionnaire a été hautement valorisée et prise en compte par la métropole.

Facteurs clés de succès : élargir les publics visés, ne pas se cantonner uniquement aux questions matérielles en tenant compte de la culture, la cuisine, le sport, etc, ne pas sous-estimer l’importance des “personnes relais”, identifier les personnes dès leur arrivée, cartographier les différents groupes et adapter la communication à chacun d’eux.

  • Une participation inclusive dans le mille-feuille des échelles

Seulement 35% des français ont connaissance du rôle de chaque collectivité, chacun·e· n’a donc pas les mêmes chances de s’exprimer et de faire entendre sa voix.

Il s’agit de donner du sens et des repères aux habitants, communiquer sur les compétences de chaque collectivité dans une logique de formation continue, guider pour inciter. Si cette logique est bafouée, il y a risque de perte d’intérêt et de sursollicitation. Selon cette logique, les citoyen·ne·s informé·es pourraient proposer leurs projets à la bonne instance et les collectivités pourraient en parallèle co-partager les projets selon qu’ils se rattachent aux compétences de la ville, du département ou de la région. Cela permettrait de créer un réseau participatif et non un archipel de dispositifs déconnectés les uns des autres. 

  • Les jeunes ont-ils vraiment leur place dans les dispositifs de participation ?

Il s’agit tout d’abord d’aborder les jeunes avec sincérité, dans une volonté véritable de les comprendre et de se saisir de leurs problématiques. Ensuite, les respecter passe aussi par le fait de tenir compte de leur emploi du temps en incluant des temps de participation à des moments où disponibles et facilitants (vacances scolaires, par exemple).  Il s’agit aussi de clarifier les règles du jeu dès le départ, notamment la manière dont les propositions sont prises en compte, cela peut impliquer des temps de formation pour les jeunes dans un format ludique. En parallèle, il peut être opportun de mettre en place des actions d’éducation à la citoyenneté dès l’école primaire et intégrer dans le temps scolaire des heures dédiées à la pratique participative. Enfin, il est primordial de doter l’instance de moyens humains, matériels et financiers nécessaires pour le bon fonctionnement du processus.

🟩L’art, vecteur d’expression de la majorité ou de l’uniformité ?

« Les pratiques culturelles et artistiques représentent un moyen d’expression et d’appropriation d’un sujet ou d’une cause à part entière. Certaines d’entre elles trouvent ainsi déjà leur place dans le débat public, car institutionnalisées et considérées comme plus légitimes, alors que d’autres restent encore marginales, car vues comme contestataires. »

        Extrait du programme de Décider Ensemble

  • Podcast et vidéo, nouveaux vecteurs de participation ?

Dans les deux cas, podcast et vidéo permettent de lier une certaine sensibilité au discours, on humanise, on écoute d’autant plus facilement que la parole est incarnée. L’authenticité et la spontanéité permettent de comprendre rapidement le contexte et de l’imaginer par les mots et/ou les visuels. Il faut retenir que la formation des participants à la réalisation de médias podcast ou vidéo est un des gages de restitution juste de la parole recueillie et diffusée. De plus, l’ensemble de la chaîne de fabrication nécessite des compétences et savoirs êtres pour lesquels se former, notamment concernant la globalité du processus, de l’écriture au montage nécessite de se doter d’une charte de déontologie de la récolte et du traitement des données.

Facteurs clés de succès : miser sur un format court, synthétique mais qui ne modifie pas le discours de l’interviewé·e. Il est donc fortement recommandé de procéder à un montage éthique : fidèle à la parole et l’émotion de l’intéressé·e. 

 

Retrouvez l’intégralité du compte rendu des ateliers des rencontres européennes de la participation sur : https://deciderensemble.com/rencontres-cr-2023/ 

Retrouvez le reste de nos actualités sur le blog iD City

Les origines du budget participatif

Lorsque l’on retrace l’historique des premières initiatives de budgets participatifs ou même de démocratie locale, l’exemple de Porto Alegre est souvent le premier à être cité. Pour mieux comprendre les raisons de la mise en place du premier budget participatif au monde et donc les origines du budget participatif, il est nécessaire de bien resituer le contexte historique et politique du Brésil dans les années 1980.

En 1985, la dictature militaire prend fin au Brésil après 21 années pendant lesquelles corruption et clientélisme sont devenus monnaie courante. Le pays se reconstruit progressivement en rédigeant notamment une nouvelle constitution dans laquelle est inscrit pour la première fois, le concept d’exercice direct de la souveraineté du peuple.
Olivio Dultra, du Parti des travailleurs, est élu en 1988 à la municipalité de Porto Alegre, capital de la province du Rio Grande do Sul et ville de plus d’un million trois cent mille habitants. Il est animé par une forte volonté d’amélioration de la vie quotidienne des plus pauvres et de rendre un pouvoir décisionnel aux citoyens. La première expérience de budget participatif apparaît en 1989.

Un succès progressif

La ville a été divisée en secteurs régionaux et thématiques pour permettre une participation populaire, universelle et direct. L’organisation du budget participatif est composée de plusieurs strates.
Le premier niveau de réflexion est animé par des associations thématiques ou bien, le plus souvent, par des associations d’habitants. Ces associations sont composées, en grande partie, d’habitants issus de catégories sociales moyennes et pauvres. Au cours des réunions, les problèmes spécifiques du quartier sont évoqués et les priorités sont définies.

Le deuxième stade est celui des assemblées plénières, pendant lesquelles toute personne intéressée peut participer. Lors de ces assemblées, des délégués du budget participatif sont élus. Ces derniers éliront à leur tour des conseillers du budget participatif qui prendront part au Conseil du budget participatif.
L’organisation et la mise en place du budget participatif ont été amené à évoluer au fil des années. Sont par exemple apparus en 1994, des assemblées thématiques au nombre de six. Elles avaient pour but d’aborder des thèmes qui n’étaient pas spontanément présentés par les associations de quartier et qui n’impliquent donc pas certaines parties de la population (les jeunes, les professionnels de la santé, les acteurs économiques etc.)

Bien que le succès soit timide les premières années ( 780 participants la première année), l’amélioration progressive du système mis en place et la persévérance de la municipalité ont permis d’atteindre la participation de plus de 18 500 personnes en 2001.

De multiples impacts

L’initiative a eu un impact positif sur toutes les parties prenantes de la ville à différents niveaux. Pour les élus, un nouveau lien à été créé avec les citoyens. Le budget participatif a permis de mieux appréhender les besoins et les souhaits de la population. Pour les techniciens, le recueil d’information est optimisé. Pour les citoyens, c’est le moyen de découvrir le fonctionnement de la collectivité, ainsi que les contraintes qui lui sont propres. Le budget participatif incite à la mobilisation et à la responsabilisation des citoyens. Il permet une plus grande transparence dans la gestion des budgets municipaux et un contrôle dans l’application des décisions. De plus, ce sont majoritairement les personnes les plus défavorisées qui se sont mobilisées. Elles ont donc été les premières à bénéficier des mesures adoptées. Le budget participatif s’avère donc être un dispositif inclusif des populations exclues de la politique traditionnelle.

La dimension politique est indéniable dans la mise en place du budget participatif. Bien sûr, le contexte historique y est pour beaucoup. De ce fait, le projet ayant débuté en 1989 après l’élection du candidat du Parti des Travailleurs en 1988, il a été reconduit d’année en année avec toujours plus de succès et de participation.
Ceci étant, le Parti des Travailleurs subit un échec électoral en 2004. L’usure du pouvoir, une certaine insatisfaction de la classe moyenne et la promesse de maintien du budget participatif par l’opposition expliquent, en partie, cette défaite. Le budget participatif fut maintenu, mais intégré à un nouveau processus : la gouvernance solidaire locale. Mais cette nouveauté ne se montre pas aussi efficace. La distance entre les citoyens et leur pouvoir décisionnel se creuse.

Quel est l’héritage de Porto Alegre aujourd’hui ?

Bien que le budget participatif de Porto Alegre ait progressivement perdu de son influence, de nombreuses municipalités brésiliennes se sont inspirées de cette initiative. De nouveaux budgets participatifs ont commencé à émerger. Les Forums Sociaux Mondiaux (2001, 2003, 2004) à Porto Alegre ont d’ailleurs contribué à la diffusion du modèle à travers le monde. En France, les premiers budgets participatifs apparaissent dès le début des années 2000. Comme à Porto Alegre, les premières initiatives françaises sont basées sur un registre idéologique, dont la perspective est la justice sociale.
Au fil des années, les budgets participatifs se sont inscrits dans une nouvelle logique. De nos jours, les initiatives existantes en France visent à booster la participation citoyenne. Sa dimension de justice sociale est moins présente mais certaines communes favorisent spécifiquement les quartiers les moins favorisés, à l’image de Porto Alegre.
Bien que pionnière, l’initiative brésilienne n’est pas tout à fait réplicable pour les communes qui désirent s’engager dans ce type de démarche de participation citoyenne. En revanche, elle marquera pour toujours les prémices et origines du budget participatif.

Néanmoins, les expériences françaises de budgets participatifs se multiplient et rencontrent du succès. En guise d’exemple chiffré, l’édition 2017 du budget participatif de Lanester c’est : 14% des habitants inscrits sur la plateforme, 93 projets déposés, 6 000 avis citoyens et 1540 participants à la phase de vote. Un succès qui sera accompagné d’autres !

 

*Guide pratique du budget participatif à retrouver en intégralité en ligne ou au format PDF