8ᵉ rencontres européennes de la participation : regards croisés

Regards croisés sur les 8ᵉ rencontres européennes de la participation

La démocratie participative est-elle à un tournant ? Dans un contexte politique mouvementé, nous souhaitions vous partager nos réflexions et enseignements tirés des 8ᵉ Rencontres européennes de la participation. Entre inquiétudes et espoirs, cette édition a permis d’esquisser des pistes pour une participation citoyenne renouvelée. Capable de relever les défis démocratiques et écologiques de notre époque. De l’inclusion des voix souvent inaudibles à la gouvernance partagée en entreprise, en passant par l’interpellation citoyenne, Juliette, Simon et Tiphaine partagent leurs rencontres de la participation, entre interrogations sur l’avenir de notre démocratie et les moyens de la revitaliser.

Antoine, Simon, Juliette et Tiphaine aux 8èmes rencontres européennes de la participation

 

Simon Quatrevaux, responsable conseil

Pour un sursaut démocratique 

Ces Rencontres européennes de la participation à Toulouse, ont eu lieu lors d’un contexte politique national particulièrement tendu. Elles se déroulaient entre les deux tours des élections législatives de 2024. La menace de l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement d’extrême droite ne présageait rien de bon pour l’avenir de notre démocratie. Maintenant que le pire a été évité de justesse, un véritable sursaut démocratique est nécessaire. Les ateliers et débats des Rencontres ont permis d’esquisser quelques pistes d’action pour développer davantage la participation citoyenne.

Légiférer pour un statut de citoyen⸱ne participant⸱e

La première réside dans la reconnaissance juridique d’un statut de citoyen⸱ne participant⸱e. Aujourd’hui, certaines collectivités territoriales et institutions publiques mettent en place des moyens de dédommagements des participant⸱es. Cependant, elles sont contraintes de zigzaguer entre les textes de lois pour rester dans la légalité. Ce statut permettrait à chacun et chacune de se libérer du temps et de participer à la vie démocratique. Plus qu’un moyen de reconnaissance, c’est une nécessité démocratique.

Nous vivons dans une société inégalitaire où les personnes n’ont pas les mêmes chances et les mêmes capacités matérielles de participer. Le statut de citoyen⸱ne participant⸱e permettrait ainsi de lever d’importants freins à la participation. Cela par l’introduction d’artifices d’égalité : frais de déplacement, frais de garde des enfants, indemnisation, etc. Bonne nouvelle : des travaux du CESE visent à légiférer à ce sujet. Charge au nouveau gouvernement de s’emparer de ces travaux pour renforcer le droit de la participation !

 

Atelier "Le droit d'interpellation local permet-il d'élargir la participation politique ?" organisé par l'Institut Alinsky, la Ville de Strasbourg, la Ville de Bordeaux et la Métropole de Grenoble

Revitaliser la démocratie avec l’interpellation citoyenne

La deuxième piste d’action consiste à développer l’interpellation citoyenne. C’est-à-dire les dispositifs permettant aux citoyens et aux citoyennes de mettre à l’agenda politique des sujets et problématiques. Les Villes de Bordeaux, Strasbourg, Grenoble, ainsi que la Métropole de Grenoble ont partagé leur expérience. Ces dispositifs sont particulièrement bienvenus pour faire vivre une démocratie continue. La mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne était une demande forte des gilets jaunes. Même si le RIC n’existe toujours pas à l’échelle nationale, certaines collectivités sont précurseures et encouragent l’initiative citoyenne. Ces expériences rencontrent un succès variable. Les difficultés résident dans la lisibilité du dispositif, dans son appropriation par les habitant⸱es et dans sa facilité de déclenchement.

C’est en cela que les 3 paliers de déclenchement de la Ville de Grenoble sont intéressants. À partir de 50 soutiens, la Ville organise une médiation entre les porteurs et porteuses de l’interpellation, les élu⸱es et les directions référentes. À 1 000 soutiens, un atelier d’initiative citoyenne, composé de citoyen⸱nes tiré⸱es au sort, échange et auditionne des experts afin de rédiger un rapport sur le sujet de l’interpellation. Enfin, avec 8 000 soutiens, une votation citoyenne précédée d’une période d’information et de campagne est menée. Ces dispositifs dits “ascendants” ont une grande place à jouer à l’avenir pour faire évoluer notre culture politique. Pour une démocratie vivante, les citoyens doivent pouvoir être force de proposition à tout moment et influer davantage sur l’agenda politique.

Accélérer la transition écologique

Enfin, mes rencontres européennes de la participation se sont achevées par l’atelier 2 tonnes. Il était animé par le conseil de développement de Toulouse Métropole. 2 tonnes est un atelier immersif qui vise à simuler la transition écologique jusqu’à 2050. Chacun⸱e doit entreprendre des actions individuelles. Mais également des actions collectives avec les autres pour atteindre l’objectif fixé par l’accord de Paris. Soit 2 tonnes d’équivalent CO2/an d’ici 2050. L’expérience permet de se rendre compte de l’ambition de cet objectif. Le jeu nous rappelle à quel point tous les protagonistes (citoyen⸱nes, entreprises, pouvoirs publics, associations) doivent jouer le jeu pour réussir la transition écologique.

C’est bien la combinaison d’actions de tous qui est la clé ! Nous pouvons tous individuellement changer nos pratiques. Par exemple, arrêter de manger de la viande, réduire les déchets plastiques, ou la consommation de produits transformés. Ce ne sont pas les solutions qui manquent. L’un des secrets de la transition réside dans l’influence que chacun et chacune peut avoir sur son entourage. La sensibilisation aux enjeux écologiques paie sur le long terme. Au-delà de sa bulle de filtre, de nombreuses personnes sont encore à convaincre de l’enjeu écologique. Pour changer d’échelle et que tout le monde passe à l’action, la tâche est rude. Mais l’espoir est permis, le jeu montre que c’est possible !

En résumé, ces rencontres européennes de la participation ont été riches en enseignements et en pistes de réflexion pour les nécessaires transitions démocratiques et écologiques. Charge à chacun de nous et aux pouvoirs publics d’accélérer ! Le temps presse.

 

Tiphaine Lehuré, chargée de conseil

Menaces, espoirs et innovations locales

Au lendemain du premier tour des élections législatives, ce séjour toulousain a débuté dans un contexte de profonde inquiétude quant à l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. Cette période nous a rappelé à quel point il est indispensable de s’interroger sur le fonctionnement de notre système politique. Cette édition des Rencontres Européennes de la Participation a donc été l’occasion d’esquisser des pistes de solutions. L’objectif étant de pallier aux difficultés que rencontre actuellement notre démocratie et de réinterroger nos pratiques en tant que professionnel⸱les de la participation. 

La démocratie participative menacée ?

La première chose que ces Rencontres m’ont appris (ou rappelé), par la voix de Loïc Blondiaux, est que la démocratie participative est menacée. D’une part, “par en haut”. En raison de l’instrumentalisation à l’échelle nationale du Grand Débat National et de la Convention Citoyenne pour le Climat. Ou encore par la régression du droit de la participation. Mais aussi “par en bas”. En effet, les citoyens et citoyennes sont de plus en plus réticent⸱es à participer à des dispositifs auxquels iels ne croient pas. Si ces menaces ont de quoi nous inquiéter en tant que professionnel⸱les de la participation, la démocratie participative n’en est pour autant pas condamnée ! Il reste des raisons d’espérer : 

  • Les acteurs et actrices de la participation sont nombreux⸱ses. Ils vont continuer de concevoir, d’animer et d’accompagner des démarches participatives sur le territoire. 
  • La démocratie participative, ça fonctionne ! À condition (et pas des moindres…) qu’il y ait une réelle volonté politique. 
  • Il y a, malgré les réticences actuelles, une demande sociale de participation. 
  • La participation est nécessaire car elle est le meilleur moyen de légitimer et de prendre des décisions collectives. 
  • Le contexte politique national ne correspond pas aux réalités locales. De nombreuses démarches participatives, sincères et fructueuses, continuent de voir le jour sur le territoire. 

Des innovations locales qui donnent des raisons d’espérer

Ces démarches participatives locales prennent des formes variées : des Grands débats (sur la Loire, sur la longévité, sur la Fabrique de la Ville…) organisés par Nantes Métropole sur des enjeux stratégiques à l’échelle métropolitaine ; à l’Assemblée citoyenne mise en place par la Ville de Paris pour co-construire les politiques publiques ; en passant par la Tournée de la démocratie permanente animée par la Ville de Bordeaux, qui a particulièrement attirée mon attention. Chaque année, de mai à juillet, une agora en bois est installée dans différents espaces publics pour aller à la rencontre des habitant⸱es. Un sujet de discussion leur est proposé (l’urgence climatique ou la jeunesse, par exemple). L’objectif ? Inscrire à l’agenda politique des sujets qui ne le sont pas, en vue d’alimenter les politiques publiques. Cette démarche m’a semblé singulière : 

  • Par son format qui permet d’entrer en contact direct avec les habitant⸱es. Tout en s’adaptant à leurs envies et à leurs contraintes.  Et leur permettant d’exprimer simplement un avis sur un sujet qui les concerne de près ou de loin. 
  • Par son ambition qui n’est pas de concerter à proprement parler en produisant des contributions construites et détaillées. L’enjeu étant de prendre la température sur un sujet qui n’est pas inscrit à l’agenda politique. 

La nécessité de s’appuyer sur des ressources compétentes

Il n’en reste pas moins que ce type de dispositifs nécessite des ressources importantes et doit être porté par des professionnel⸱les qui disposent de compétences propres aux démarches participatives (mobilisation des publics, animation de groupes, etc.). À cet égard, j’ai participé à un atelier animé par l’Institut de la Concertation et de la Participation Citoyenne sur la formation des professionnel⸱les de la participation. L’occasion de (se) rappeler qu’au-delà des compétences et de l’ingénierie que requiert la mise en place des démarches participatives, le changement de posture est un prérequis indispensable. Et ce, pour deux raisons : 

  • Avant de choisir le type de dispositif participatif mis en place, il est indispensable de définir ses objectifs, les moyens alloués, etc. Le choix des outils et des méthodes a lieu ensuite, pour tenir compte de ces éléments. Cette logique peut bousculer les habitudes car elle rompt avec le réflexe (facile, mais naturel !) qui consiste à commencer par choisir un outil sans se soucier de sa pertinence au regard du contexte. 
  • Le volet participatif d’un projet confère aux professionnels un rôle différent de ce dont ils peuvent avoir l’habitude. Il ne s’agit pas/plus de concevoir des projets en se basant uniquement sur son expertise technique, mais de la mettre au service des parties prenantes afin de leur permettre d’exprimer leur avis. 

C’est pourquoi les formations à destination des professionnel⸱les de la participation se multiplient. Des formations initiales : Master Ingénierie de la concertation de Paris 1, Master Concertation et territoires en transition de Sciences Po Rennes… Mais aussi des formations continues proposées en interne (comme à SNCF Réseau ou au Département de Haute-Garonne). Ou encore par des organismes de formation (CNFPT, Ifrée, etc.). 

En bref : trois jours variés, tant sur le fond que sur la forme. Qui, au-delà des ateliers et des temps d’échanges auxquels nous avons assistés, nous ont offert une chouette occasion de croiser nos partenaires ! 

 

Juliette Le Bras, chargée de communication

De l’inclusion du vivant à la lutte contre les précarités

À la question “comment la participation peut-elle accompagner les transitions de demain”, la réponse de mon côté et au vu des ateliers auxquels j’ai eu l’occasion de participer semble être : en écoutant ceux et celles que l’on entend jamais. Pour ce faire, il faut accepter que participer est un privilège de temps et d’accès à l’information.

Sur cette question de l’inclusion, il faut aller chercher, mobiliser, redistribuer l’accès au débat démocratique afin de redistribuer la parole aux personnes vivant en milieu rural, vivant dans les quartiers populaires, aux jeunes de moins de 15 ans et aux jeunes tout simplement, et inclure aussi tout le vivant… 

Inviter le vivant à la table des politiques locales

Un des ateliers auquel j’ai participé était intitulé “inviter le vivant à la table des politiques locales”, la question sous-jacente était de se demander quelle typologie d’espèces ou de milieux on représente et pourquoi on le fait. Cela implique en amont de rompre avec l’idée selon laquelle l’Humain agit sans se préoccuper des conséquences naturelles, comme si nous n’étions pas interdépendant⸱es de nos écosystèmes. Le deuxième enjeu est de sortir des échelles géographiques et temporelles auxquelles la ville nous assigne, relier les villes et les campagnes. 

Le problème de fond est l’emprise de la sphère économique sur toutes les autres sphères, et cela, afin de régler des problèmes à court terme. Si l’on pensait à long terme, on réaliserait probablement mieux l’importance de la sphère écologique et l’on ferait alors entrer le vivant en démocratie. Il faut ainsi greffer la notion de commun sur la notion de représentation du vivant, car, en représentant le vivant dans nos systèmes politiques, on assure aussi son futur. 

Tout cela, dans le but de réunir une grande diversité de citoyennes et de citoyens autour d’un micro-parlement du vivant. Pour ce faire, 11 étapes ont été recommandées : 

  1. Co-concevoir la démarche avec différents acteur⸱ices
  2. Le dispositif naît lors d’un évènement festif et mobilisateur
  3. Tirage au sort des membres du micro-parlement
  4. Constitution du groupe de porte-paroles
  5. Créer le cadre de confiance, co-définir l’ambition collective et le mandat
  6. Des temps de formation
  7. Formalisation de l’engagement du ou de la porte-parole vis-à-vis de son espèce
  8. De l’ambition, de l’enquête terrain, des rencontres
  9. Formalisation des propositions
  10. Décider collectivement dans un cadre favorisant le consentement
  11. Une restitution aux citoyen⸱nes et autres territoires d’expérimentation.

La mobilisation pour lutter contre les précarités

Voici deux associations créées par des femmes inspirantes aux parcours spécifiques qui ont pour objectif de mobiliser contre les injustices sociales et de lutter contre le gaspillage et ses méfaits pour l’environnement. Elles sont venues nous raconter leur histoire respective lors de ces 8èmes rencontres européennes de la participation.

L’ association les Robines des Bennes a pour objectif de lutter contre les gaspillages et la précarité. Fondée par Louise Boyard à Amiens en 2023, l’association a plusieurs objectifs : lutter contre les gaspillages, permettre l’accès gratuit à des denrées et matières premières pour celles et ceux qui n’ont pas les moyens de les acheter, sensibiliser au développement durable et créer un espace de rencontre et de solidarité. Ainsi, plusieurs actions sont mises en place comme la freeperie des Robin⸱es, les frigos partagés, du glanage alimentaire et de végétaux, des distributions gratuites, etc. Des actions qui portent leur fruit car l’association compte aujourd’hui plus de 100 bénévoles et plus de 8000 bénéficiaires sur Amiens !  

L’Association Pas Sans Nous se définit comme un syndicat des quartiers populaires. L’association a pour objectif d’être force de proposition et d’interpellation vis-à-vis des pouvoirs publics, de se positionner comme porte-parole des habitant⸱es de quartiers populaires et les collectifs locaux dans leurs luttes et de créer des espaces de ressources, d’échanges et d’expérimentations. Plusieurs actions sont mises en place, notamment le tour de France “Nos quartiers ont de la gueule” afin d’amener la participation citoyenne au cœur même des quartiers populaires. Ou encore “L’Université des quartiers populaires”, une rencontre annuelle permettant d’évoquer des sujets tels que le cadre de vie, le pouvoir d’achat, les discriminations, l’écologie, la politique et le désert électoral, les violences policières, la scolarité, etc.

Des rencontres précieuses qui permettent une vraie mobilisation de personnes qui ne se sentent pas incluses et qui n’ont pas l’occasion de faire entendre leur voix : “Tant que vous ferez à notre place, ce ne sera pas pour nous, ce sera contre nous !

La gouvernance partagée en entreprise 

Avec plus de 200 salariés répartis dans 11 coopératives, Enercoop Midi-Pyrénées a opté pour une gouvernance partagée en entreprise sur le modèle de l’holacratie depuis 9 ans. Deux collaboratrices sont venues nous partager leur expérience enrichissante et inspirante. 

Il s’agit d’un modèle totalement opposé au modèle pyramidal classique et de la concentration symbolique du pouvoir dans une seule personne. La gouvernance partagée signifie intelligence collective et confiance mutuelle des parties prenantes. 

La gouvernance partagée apporte des outils d’animation et de prise de décision, telle que la gestion par consentement. Cette méthode permet à chacun d’apporter sa part dans la prise de décision. Elle implique que personne ne considère la décision nuisible pour la coopérative. Au sujet des temps de prise de décision, Enercoop Midi-Pyrénées considère qu’il vaut mieux prendre le temps de prendre une bonne décision collective avec des personnes compétentes, plutôt que de laisser une seule personne moins compétente décider du sort de tous.

L’avantage notable de la gouvernance holacratique est que ce système développe la créativité et la motivation, dans un environnement de travail stimulant, responsabilisant et valorisant pour les collaborateurs et collaboratrices de l’entreprise. 

Atelier 2 tonnes

Un impétueux cocktail de panique et de remise en question face à l’urgence de la crise environnementale sous la forme d’un atelier ludique et collaboratif. 2 tonnes, c’est l’empreinte carbone moyenne par habitant⸱e que nous devrions atteindre en 2050, notamment pour respecter l’engagement de l’Accord de Paris. Aujourd’hui, nous sommes à 10 tonnes en France en moyenne. Le défi à relever est donc considérable ! Des changements et une véritable transition sont nécessaires. Ces derniers sont abordés sous différents angles : le transport, le logement, l’alimentation, les biens et les services.

Ce qui est d’autant plus intéressant, c’est de réaliser qu’il y a autant de changements collectifs que de changements individuels et que cet équilibre est même primordial à un changement drastique des comportements. Participer à cet atelier permet également de sortir du triangle de l’inaction entre les entreprises, les citoyen.nes et les pouvoirs publics qui se renvoient la balle en attendant qu’un des groupes agisse le premier… 2050 arrive à grand pas, alors transformons cet infernal triangle en cercle vertueux tant qu’il en est encore temps ! 

 

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