A quoi ressemblera le budget participatif de 2030 en France ?

Imaginer le budget participatif de 2030 en France

Voici la question que nous avons posée à un universitaire, un agent et des citoyennes : A quoi ressemblera le budget participatif de 2030 en France ?

Trois réponses sont possibles. La seule vraie réponse à la question de savoir ce que seront les budgets participatifs en 2030, c’est que l’on ne sait pas. C’est une échéance très lointaine au regard de la fragilité de nos sociétés et de nos systèmes politiques.
J’ai le sentiment que l’institutionnalisation du budget participatif n’est pas achevée. Les budgets participatifs continuent à être méconnus des citoyens. On peut donc dire que leur avenir n’est pas du tout assuré.
Il est possible néanmoins de prédire que le mouvement en faveur de la numérisation des démarches participatives va sans doute s’amplifier et d’espérer que leur dimension délibérative, très négligée aujourd’hui, se renforcera en permettant aux porteurs de projet et aux citoyens de confronter leurs visions dans la communauté politique et de l’espace public.

Loïc Blondiaux, professeur et chercheur spécialiste de la démocratie participative à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne

Si les élus sont réalistes, cela devrait se développer, mais il y a une double difficulté. D’abord la population méconnaît le fonctionnement de ses territoires. D’autre part, si les départements y ont intérêt, les communautés de communes le devraient aussi, car le niveau communal n’est plus pertinent pour de nombreuses compétences. Le budget participatif encourage à travailler ensemble, ce qui est plus productif et optimise les actions, mais peut aussi réduire les incohérences, les inerties et l’inefficacité dues à l’individualisme qui existent tant dans la population que chez les élus. Encore faut-il qu’existe un véritable esprit d’équipe.

Nadine Rybarczyk-Michel, membre de la Commission citoyenne du budget participatif Dordogne-Périgord

Ce que je retiens de mon expérience, c’est la qualité de l’accompagnement par les services de Lanester. Dès qu’on était perdu, ils étaient là pour nous encourager. Je dis “on” car nous avons fusionné nos projets avec Juliette ce qui a créé un super engouement et une solidarité entre nous deux. Sur le long terme, ce dispositif mérite d’être mieux connu. Lorsqu’on allait à la rencontre des potentiels votants lors de la campagne de vote, nous nous sommes rendus compte de leur méconnaissance du budget participatif, alors que le principe les intéressait pourtant réellement !

Laurence Arnoult, Co-porteuse du projet « Auprès de mon arbre…» , Budget participatif 2019 de Lanester

On pourrait imaginer que le budget participatif soit un budget dédié à des innovations sociales et territoriales. On proposerait aux citoyens de construire, à des endroits donnés, de nouvelles interfaces sociales. […] La question qui se pose est “comment proposer aux citoyens d’inventer, d’innover sur les territoires“? On trouverait des modalités pour créer collectivement des choses qui ne sont pas encore proposées. Les réponses pourraient ne pas être que marchandes. On aurait une question et le but serait de savoir si la question se pose réellement et comment on y répond collectivement.

Michel Pieyre, Directeur Mission développement durable, études et prospective au Conseil Départemental de l’Hérault

 

 

Sources à l’origine de l’article :

– Observations de l’équipe d’iD City à retrouver en intégralité dans le Guide pratique du budget participatif en ligne ou au format PDF

Recycler les mégots à Quimper

Philippe a participé à la première édition du Budget Participatif de la ville de Quimper en déposant l’un des 21 projets sélectionnés parmi les 67 proposés en 2021. Son idée porte sur la mise en place de cendriers pédagogiques afin de sensibiliser les touristes et les Quimpérois sur l’impact de la pollution des mégots de cigarette sur l’environnement.

Les objectifs du projet : 

Ses objectifs sont multiples : sensibiliser au sujet de la pollution de l’eau, collecter et recycler les mégots, participer au rayonnement de la ville de Quimper et protéger les cours d’eau en évitant que les mégots ne finissent dans la mer. En France, on estime entre 20 000 à 25 000 tonnes la quantité de mégots jetés chaque année. Le ministère de l’écologie le dit : “Fumer tue, jeter un mégot pollue”.

L’idée est intéressante également d’un point de vue touristique puisqu’une ville propre contribue au rayonnement et l’attractivité de la ville. Ainsi, l’installation des cendriers permettra de sensibiliser les Quimpérois, mais également les touristes.

En effet, au-delà de la pollution visuelle, la composition du mégot à base de matières plastiques (acétate de cellulose) et de substances chimiques (acide cyanhydrique, naphtalène, nicotine, ammoniac, cadmium, arsenic, mercure, plomb) dont certaines sont toxiques pour les écosystèmes ont des conséquences dramatiques sur la faune et la flore environnante.

Enfin, le dernier objectif de Philippe pour Quimper est de sensibiliser la ville à entrer dans la dynamique du label “Ville éco-propre”. En 2022, 115 collectivités bénéficient de ce label qui récompense les collectivités qui engagent des plans d’action à moyen terme pour améliorer durablement la propreté de leurs espaces publics*.

 

L’installation des cendriers : 

Le budget prévu s’élève à 3500 euros, ce montant comprend la fabrication des cendriers et leur installation, mais également le financement de l’entreprise chargée du recyclage des mégots. La mairie de Quimper lancera prochainement un appel d’offres afin de décider quelle société sera choisie afin de mener à bien le projet.

A ce jour, les cendriers n’ont pas encore été installés dans Quimper mais trois cendriers ludiques sont prévus entre fin 2023 et début 2024 à des points stratégiques de la ville. Sur chacun d’eux sera inscrit un message éducatif sensibilisant sur le sujet comme “savez-vous combien de temps met un mégot à se dégrader dans la nature ?”, ou encore, “combien de litres d’eau sont pollués pour un mégot jeté ?”. Les fumeurs n’auront qu’à jeter leur mégot dans la proposition qu’ils pensent juste, bonne réponse ou non, la finalité est la même : 500 litres d’eau épargnés pour chaque mégot qui n’atterrit pas dans la nature.

 

L’accompagnement de la ville de Quimper : 

“Nous étions trois personnes à avoir proposé des projets sur la même thématique, c’est pourquoi nous avons réuni nos trois idées en collaboration avec la mairie de Quimper.” 

Plusieurs réunions ont eu lieu dans le but de former un projet commun autour du recyclage des mégots. Plusieurs questions ont été soulevées, notamment quel type de cendrier était approprié, quels sont les lieux stratégiques où les placer ou encore des messages à inscrire. Le choix final s’est porté sur des cendriers sous forme de sondage pour sensibiliser de façon ludique. S’en est suivi une cérémonie de remise de trophées pour présenter chacun des projets lauréats.

 

La ville de Quimper a lancé sa deuxième édition de budget participatif en Mars dernier, avec un budget de 800 000 euros, nous avons hâte de découvrir les lauréats !

 

* En savoir plus sur le label “Ville éco-propre” : http://avpu.fr/label-ville-eco-propre/ 

Une forêt nourricière pédagogique dans l’Aude

C’est dans le cadre de la première édition du Budget Participatif du département de l’Aude que Céline et Olivier ont déposé l’un des 32 projets lauréats parmi les 225 proposés en 2020. Tous deux sont adhérents de l’association Cap-Heol, créée en 2005, et dont le siège a été transféré dans l’Aude en 2017. En 2018, un an avant le lancement du budget participatif, l’association acquiert un terrain en friche sur la commune de Montazels pour y réaliser son projet. Ce dernier consiste à créer une forêt nourricière pédagogique afin de préserver et enrichir la biodiversité du territoire Audois. Dans cette forêt-jardin associative de cinq hectares, on cultive non seulement des végétaux, mais aussi, la gratitude.

Les objectifs du projet : 

Les objectifs sont multiples : Participer à l’autonomie et à la résilience alimentaire du territoire, expérimenter, partager et transmettre la permaculture végétale.

L’intérêt de réaliser ce projet de façon associative est de pouvoir impliquer les voisin·e·s et citoyen·ne·s dans le projet collectif pour relocaliser la production de fruits et légumes, tout en se reconnectant à la nature. D’autant plus que les métiers et les travaux agricoles sont aujourd’hui dévalorisés ou sous-valorisés de par la facilité d’accès que nous avons en allant acheter notre nourriture en supermarché.

Le premier enjeu a été de régénérer le sol calcaire peu fertile incendié quelques années auparavant et d’enrichir la biodiversité. Il s’agit donc de partir de la lisière de forêt existante et de la développer petit à petit en reboisant avec des végétaux comestibles. Il s’agit bien d’une amélioration de l’existant et non d’une transformation totale.

C’est d’ailleurs le principe de la forêt-jardin, le stade abouti d’un écosystème comestible en permaculture. Il s’agit d’un mélange de plantes sauvages, d’arbres et d’arbustes fruitiers, de légumes perpétuels et de plantes aromatiques et médicinales qui s’intègre pleinement dans la biodiversité existante. L’association Cap-Heol cherche à introduire un maximum d’espèces et de variétés de façon à diversifier la forêt-jardin, on y compte alors plus de 200 espèces et 500 variétés différentes. Ainsi, plus de 800 arbres et arbustes ont été plantés depuis 2018. 

La forêt nourricière est un projet tourné vers l’avenir qui vise à rendre la Terre que nous laisserons aux générations futures dans un meilleur état que celui dans lequel nous l’avons trouvée. Une terre peu fertile peut retrouver sa biodiversité d’antan, c’est un véritable élan d’espoir axé sur la transition écologique, qui fait partie intégrante des préoccupations actuelles.

 

Se reconnecter à la nature : 

Finalement, le but sous-jacent de la forêt-jardin collective est de retrouver ce plaisir ancestral de produire, récolter de manger la nourriture provenant de terres collectives, et de prendre soin d’un lieu qui prend soin de nous en retour. L’idée est donc de transformer notre milieu de vie pour contribuer à la relocalisation et à la résilience alimentaire du territoire. Il est donc primordial d’élargir la vision utilitariste pour retrouver la connexion au Vivant et aux vivants. Sortir de la propriété individuelle est une piste pour retrouver le respect du bien commun et l’importance du collectif.

“Certaines personnes nous apportent les arbres dont ils ne veulent plus, nous sommes un peu comme la SPA, la société protectrice des arbres !”

Pour se reconnecter pleinement à l’énergie des plantes, au-delà de ce que l’on a appris dans les livres et sur internet, il faut leur laisser le temps de grandir comme elles l’entendent et de respecter au mieux l’environnement naturel. En réalité, cela ramène à l’humilité de l’humain face à la nature, rien n’est prévisible et nous devons nous adapter aux aléas naturels, pas l’inverse.

Lorsque les gens viennent flâner le long des sentiers et prendre un bain de forêt, l’objectif est de sortir du mental, du cérébral pour aller vers l’intuitif, le naturel. 

Sur les parcelles en hauteur de la forêt-jardin, des bassins de retenue d’eau ont été construits dans le but d’irriguer les plantations en contrebas grâce à l’eau de pluie.

Le projet à long terme : 

L’enveloppe financière du budget participatif a été un vrai coup de pouce pour réaliser en deux ans ce qui aurait pu être fait en dix ans. Elle a permis d’agrandir le terrain par l’achat d’une parcelle, de réaliser un bassin d’eau pluviale, de planter, protéger et nourrir environ deux cents arbres et arbustes, d’acquérir de l’outillage, notamment une brouette à moteur et des poteries d’irrigation. En revanche, l’enveloppe ne finance pas l’énergie humaine nécessaire à la mise en place d’animations et de visites. Heureusement l’association a pu compter sur ses adhérent-es et sympathisant-es pour concrétiser ces avancées permises grâce à ce budget participatif. Des élèves de l’école voisine et d’un lycée professionnel ont aussi apporté un renfort bienvenu pour les plantations.

Être lauréate a permis à l’association de se sentir soutenue par les citoyen·es, et lui a donné une légitimité auprès des administrations. L’équipe organise ponctuellement des portes ouvertes et visites guidées du lieu. Une fois le reboisement terminé, la forêt servira de véritable support pédagogique ludique qui attirera des familles. Mais l’heure est à la mise en place, même si un gros travail a déjà été réalisé.

“Nous aimerions développer une activité régulière de maternage d’arbre : nourrir les arbres, désherber leurs pieds, leur parler…”

Au cours de l’année 2022, 80 visiteurs sont venus dans la forêt-jardin et 30 bénévoles se sont impliqués au moins une fois dans les plantations et l’entretien. Le but à long terme est de partager les récoltes et cueillettes avec les bénévoles qui s’impliquent sur le lieu, voire si les récoltes sont bonnes, de les transformer ensemble et de vendre les surplus de fruits et légumes sur les marchés.

 

Retour sur le budget participatif : 

Ce que Céline et Olivier ont apprécié lorsqu’ils ont déposé leur dossier via la plateforme iD City, c’est la simplicité du dossier et l’accessibilité de la plateforme. De plus, l’association a reçu un réel soutien de la part du département de l’Aude, dont plusieurs membres de l’équipe sont venus visiter la forêt-jardin pour évaluer la faisabilité et la viabilité du projet.

Concernant la communication autour du projet, de nombreu·x·ses votant·e·s l’ont découvert sur la plateforme de l’Aude et ont fait le choix de lui donner leur voix. Surtout, Céline a participé à des marchés locaux afin de faire connaître le projet et l’association qui n’était pas connue à ce moment-là puisque Cap-Heol venait d’arriver dans la région. En parallèle, Olivier a appuyé la communication en publiant des vidéos sur le site internet de l’association et sur la page facebook de la forêt jardin de Cap-Heol créée à cet effet.